🐋 Un Roi Sans Divertissement Est Un Homme Plein De Misùres

UnepensĂ©e vieille comme le monde, sur laquelle ont brodĂ© Montaigne, Bossuet et La BruyĂšre, mise en maxime par Pascal ("Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres"), a inspirĂ© Ă  Giono, Ă  propos d'un Ă©pisode de banditisme montagnard, une oeuvre mystĂ©rieuse et troublante. En purgeant la contrĂ©e d'un malfaiteur - qu'il se garde Quon laisse un roi tout seul sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l’esprit, sans compagnies, penser Ă  lui tout Ă  loisir, et l’on verra qu’un roi sans Noorde Jordanie cĂ©lĂšbre ce mardi 23 aoĂ»t ses 71 ans. L'occasion de revenir sur sa relation compliquĂ©e avec la reine Rania, l'Ă©pouse de son beau-fils Abdallah II. Unroi sans divertissement (1947), Ă©crit en vingt-sept jours par Jean Giono, est, selon Pierre Michon, « un des sommets de la littĂ©rature universelle ». 50 ans aprĂšs la disparition du grand Ă©crivain, Jean Dufaux et Jacques Terpant lui rendent hommage avec une adaptation libre qui magnifie les paysages flamboyants du TriĂšves, chers Ă  l’auteur. 4« Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres » : citation extraite des PensĂ©es (1670, posth.) de Blaise Pascal (1623-1662). Cours de M. Berkane - LycĂ©e Arcisse de Caumont (Bayeux) PRÉSENTATION ET SITUATION DU PASSAGE Les derniĂšres pages du roman sont isolĂ©es de ce qui prĂ©cĂšde par un astĂ©risque. Les vieillards, Jen'ai mĂȘme pas compris l'essence de l’Ɠuvre Ă  savoir celle d'un homme qui va s'approcher du mal afin de fuir une morne et ennuyante existence. Comme dit, un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. C'est bien vrai. B Le Roi est un ĂȘtre humain qui souffre comme les autres de sa condition humaine. Bien qu'il occupe le "plus beau poste du monde" "Un Roi sans divertissement est un homme pleins de misĂšres" (PASCAL : 126 - 127) En effet, le Roi a plus de soucis, de responsabilitĂ©s que les autres hommes car il a une fonction plus Ă©levĂ©e. Si on laisse Un roi sans divertissement "est un roman fort , puissant et dense .Il a Ă©tĂ© Ă©crit en 1946 mais il ne fut publiĂ© qu 'en 1947 car l 'Union des Écrivains français sous la fĂ©rule des communistes l 'a interdit en laissant entendre UnepensĂ©e vieille comme le monde, sur laquelle ont brodĂ© Montaigne, Bossuet et La BruyĂšre, mise en maxime par Pascal («Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres»), a inspirĂ© Ă  Giono, Ă  propos d'un Ă©pisode de banditisme montagnard, une Ɠuvre mystĂ©rieuse et troublante. En purgeant la contrĂ©e d'un malfaiteur - qu'il se garde skUTE3. SociĂ©tĂ© Le confinement est un Ă©vĂ©nement inĂ©dit dont le scrutateur politique peut d’ores et dĂ©jĂ  tirer une matiĂšre fĂ©conde. Il est en effet possible d’identifier, sur le masque de la prĂ©occupation sanitaire, de lĂ©gĂšres fissures au travers desquelles l’Ɠil attentif surprendra peut-ĂȘtre des sursauts inquiĂ©tants. Que nous apprend ce confinement, et oĂč pourrait-il nous mener ? Une premiĂšre chose l’Occident a toujours peur de la mort. Il a cru pouvoir lui passer la camisole des sciences mais l’angoisse est toujours lĂ . Faute d’y trouver un sens spirituel, on a multipliĂ© les outils, les chiffres, les statistiques, les mĂ©dicaments, les opĂ©rations, bref, tout ce qui laissait penser que la faucheuse Ă©tait sous bon contrĂŽle mĂ©dicalisĂ©. Pourtant les Ă©pidĂ©mies s’invitent toujours dans cet univers dĂ©sinfectĂ© et empaquetĂ© de normes, se permettant mĂȘme le luxe d’emprunter toutes ces frontiĂšres non plus ouvertes mais bĂ©antes dont l’effacement Ă©tait synonyme de libertĂ©. Avec le Covid-19, l’angoisse est revenue, gĂȘnante, glissante, insaisissable. Puisque la mort s’invite jusqu’à bousculer chaque soir nos informations tĂ©lĂ©visĂ©es, puisqu’elle doit s’accepter faute d’une maĂźtrise immĂ©diate de l’épidĂ©mie, il faut lui trouver un responsable plus accessible que le nĂ©ant lui-mĂȘme. L’envie de pĂ©nal Philippe Muray 1945 – 2006 Le MaĂźtre moqueur Philippe Muray nous a bien expliquĂ© que l’intrusion du nĂ©gatif dans le monde de la post-histoire, bien que cloisonnĂ© Ă  grand renfort de positivitĂ© et de scientisme, dĂ©clenchait en retour des chasses Ă  l’homme. Il faut bien condamner celui qui ruine les espĂ©rances d’un monde en rose. Voici qu’une filature toute neuve se dessine. Une furieuse envie de pĂ©nal, pour reprendre les mots de l’auteur, se rĂ©pand sur les ondes, les Ă©crans, dans les rues dĂ©sertĂ©es. Qui donc ne respecte pas le confinement ? Quel citoyen irresponsable met en pĂ©ril la vie des autres ? Quel meurtrier anonyme se cache sous ce nausĂ©eux motif de promenade journaliĂšre ? Ouvrez l’Ɠil ! C’est donc l’Ɠil bien ouvert que nous assistons Ă  la multiplication de scĂšnes guignolesques dont le ridicule pourrait presque nous faire oublier leurs contours venimeux. Faut-il en citer quelques-unes ? Ainsi une propriĂ©taire de chevaux est-elle verbalisĂ©e pour leur avoir portĂ© de l’eau, quand un cycliste Ă©cope de la mĂȘme correction pour avoir fait ses courses sans avoir songĂ© Ă  prendre sa voiture. Faut-il dĂ©crire encore cette incroyable saynĂšte des gendarmes rencognĂ©s derriĂšre un bosquet de buis, perdus au sommet d’un vaste plateau calcaire et dĂ©sert et pourtant bien compris dans le rayon autorisĂ© d’un kilomĂštre, le bourg Ă©tant juste au-dessous, attendant de dĂ©busquer les rares promeneurs, qui, une fois hĂ©lĂ©s, s’échapperont Ă  toute allure pour se rĂ©fugier dans la forĂȘt ? C’est Ă  peine envisageable en dehors d’un théùtre de boulevard. Flou rĂ©glementaire total, imbroglios garantis. Voici qu’une filature toute neuve se dessine. Une furieuse envie de pĂ©nal, pour reprendre les mots de Muray, se rĂ©pand sur les ondes, les Ă©crans, dans les rues dĂ©sertĂ©es. » Acrimonie Ă©galitaire Ce qui prĂȘterait moins Ă  sourire, c’est que ce rĂ©gime d’exception est justifiĂ© par des vellĂ©itĂ©s prĂ©tendument Ă©galitaires. Ainsi, un citoyen n’ayant aucune chance de contaminer quiconque sera tout de mĂȘme pointĂ© du doigt s’il dĂ©sobĂ©it. Entendez-vous ? Alors que tant se mobilisent » enfermĂ©s chez eux, dans les villes, un provincial s’autoriserait Ă  faire une petite marche de deux heures autour de chez lui, sur le Causse Noir ? OĂč serait l’esprit de solidaritĂ© ? De tels narcissismes vous dĂ©sespĂšrent. Cela nous rappelle que la loi reste une abstraction. Aussi, cet homme qui nage esseulĂ©, la mer Ă©tant son unique ruelle, voit-il arriver dare-dare pas moins de quatre policiers en bateau, chacun risquant, au passage, sa santĂ©. Oui on ne nage » pas, Monsieur, mĂȘme en pleine mer Ă  six heures du matin. Ici commence l’effritement des libertĂ©s non matĂ©rielles l’accĂšs Ă  l’eau, l’air, la nature. L’idĂ©e que de se promener dans une rue avec une densitĂ© de trois-cents habitants au kilomĂštre carrĂ© demeure moins subversif qu’une petite marche isolĂ©e sur un terrain oĂč ne passent que trois personnes dans la journĂ©e – distances de sĂ©curitĂ© en sus – ne semble choquer aucune autoritĂ©. Reste que l’État peut compter sur le renfort spasmodique de la jalousie et de sa cousine, la dĂ©lation. Le vieillard au visage travaillĂ© par le soleil, assis prĂšs d’un Ă©tang infrĂ©quentĂ©, sommĂ© de rentrer ses canes, sa portion quotidienne de soleil arrachĂ©e, voilĂ  qui interroge. Que fait-on du discernement ? Pourtant, la passion de la traque et de la vigilance pourrait tout autant opĂ©rer une singuliĂšre virevolte au mĂ©pris des contradictions. La fin du confinement risque en effet d’ĂȘtre particuliĂšrement nausĂ©abonde si ceux du front » s’écharpent avec ceux de l’arriĂšre » ; les planquĂ©s. Chacun ira de sa justification qui aura pris des risques au travail, qui aura souffert chez lui de la solitude, vigilant, se dĂ©passant lors d’un tĂ©lĂ©travail plus intense encore que le bureau
 La petite bataille des justifications et des Ă©gos pointe dĂ©jĂ  Ă  l’horizon. De sordides rĂ©flexes qui mĂšneront les deux types de hĂ©ros » du sanitaire dans la gueule du loup, chacun s’efforçant de dĂ©montrer sa participation et son utilitĂ© pour le systĂšme dans une pitoyable et aride soif de reconnaissance. On entend bien faire respecter l’ordre dont la lĂ©gitimitĂ© chancelante peine Ă  se maintenir sur le socle des ratĂ©s accumulĂ©s depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie. » La guerre c’est la paix et la paix c’est la guerre
 les discours changent du jour au lendemain, c’est une grippe ; non, c’est trĂšs dangereux ; il faut rester chez soi pour aller travailler ; ceux qui se confinent ont raison ; mais ceux qui travaillent car ils n’ont pas le choix sont des hĂ©ros ; quand ceux qui travaillent pour simplement travailler sont suspects
 tout s’annule, se remplace, se succĂšde dans une agitation militante, poil bien hĂ©rissĂ©. Ça remue, ça gesticule. On entend bien faire respecter l’ordre dont la lĂ©gitimitĂ© chancelante peine Ă  se maintenir sur le socle des ratĂ©s accumulĂ©s depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie. Si cette pantomime autoritaire nous est annoncĂ©e comme Ă©phĂ©mĂšre, les rebondissements constatĂ©s laissent comprendre qu’aucune libertĂ© acquise n’est imprenable. Quelle est la pente ? Quel est le gouffre ? Nouvelles castes, nouveaux militants Jean Giono 1895 – 1970 Suivant l’enseignement de Pascal repris par un Giono dĂ©sabusĂ©, Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. Dans ce rĂ©gime d’exception, difficile pour l’homme blasĂ©, engluĂ© depuis de trop longues annĂ©es dans le tiĂšde train-train quotidien, de rĂ©sister Ă  une occasion si attrayante de revĂȘtir le costume du hĂ©ros Ă  qui revient l’honneur d’adoucir la pente de la courbe et d’amortir le gouffre des chiffres. À ce guerrier convaincu de son importance, revient, pour le salut de tous, la noble mission de traquer sans relĂąche toute forme d’insoumission et de laisser-aller. Pensons d’abord au lanceur d’alerte. HorrifiĂ© par les nouvelles chinoises et transalpines et muni de solides connaissances en statistiques, il redouble d’abnĂ©gation pour ouvrir les yeux Ă  des autoritĂ©s peu emballĂ©es sur la nĂ©cessitĂ© de confiner la population. Parti pour des mois de veille attentive, il s’assure, le regard inquiet, qu’aucune donnĂ©e rĂ©fractaire ne viennent entacher cette catastrophe si rigoureusement modĂ©lisĂ©e par ses soins. Il lui serait bien regrettable de constater une augmentation trop faible du taux de mortalitĂ© sur l’ensemble de la population ; une trop faible incidence sur le pic Ă©pidĂ©mique d’un respect approximatif du confinement par ces français sempiternellement lĂ©gers, incurablement irresponsables ; ou, pire, qu’aucun chiffre significativement alarmant ne ressorte de pays ayant adoptĂ© des mesures plus souples. Il serait absolument inadmissible que des voix pourtant expertes et reconnues – comme le Professeur Raoult – pussent tempĂ©rer les ardeurs sanitaires, montrer l’existence d’élĂ©ments rassurants, et de relativiser certaines prĂ©dictions affolantes eut Ă©gard Ă  l’histoire. Notons toutefois que, sans l’appui d’une opiniĂątre armĂ©e civique, notre lanceur d’alerte ne serait qu’une goutte d’eau dans l’ocĂ©an. Alors qu’on dĂ©sespĂ©rait, les liens de voisinage et de quartier marquent leur grand retour. Saluons ces confinĂ©s vigilants haranguant depuis leur balcon cette mĂšre de famille qui est dĂ©jĂ  sortie durant la matinĂ©e, ces clients prĂ©voyants sermonnant ce jeune homme dĂ©sinvolte qui ne sort que pour acheter une misĂ©rable baguette de pain, sans oublier ces citoyens prĂ©venants n’hĂ©sitant plus Ă  relayer sur les rĂ©seaux sociaux ces photos de familles se promenant – seules pourtant – le visage dĂ©couvert, l’air encore trop guilleret. DĂ©bordĂ©e, la pauvre mairie du XXe arrondissement de Paris, se voit contrainte Ă  appeler au discernement ces innombrables dĂ©lateurs. S’engouffrant dans la brĂšche, une clĂ©ricature scientifique prend le pouvoir et impose un niveau jamais connu de contrĂŽle social. D’un air suffisant et solennel, les gardiens dĂ©signĂ©s de la vĂ©ritĂ© dĂ©crĂštent, Ă  un public retenant son souffle et suspendu Ă  leurs lĂšvres, les mesures irrĂ©futables qui amortiront la chute et rĂ©tabliront l’harmonie. Quand confiner ? À quelle frĂ©quence ? Combien d’annĂ©es ? On apposera la marque – sera-t-elle effaçable ? – sur des citoyens reconnus positif qui seront dĂšs lors tracĂ©s, surveillĂ©s, encerclĂ©s. Qui peut rester avec qui ? Qui incarcĂ©rer en isolement ? Qui peut voir qui ? Et oĂč ? Et pourquoi ? Et comment ? Et Ă  quelle distance ? L’ñge sanitaire est arrivĂ© Le terrain est dĂ©sormais dĂ©frichĂ© pour qu’une tyrannie sanitaire s’implante. Lorsque la santĂ© publique est en jeu et que les personnes les plus vulnĂ©rables sont exposĂ©es, un collĂšgue un peu ronchon sera fĂ©rocement admonestĂ© par son Ă©quipe s’il souligne qu’un dĂ©cret pondu en quelques jours aura suffi pour Ă©brĂ©cher un code du travail. Dans la mĂȘme veine, une personne critiquant son entreprise qui, aprĂšs avoir mis ses salariĂ©s au chĂŽmage partiel, leur demanderait de continuer Ă  produire en tĂ©lĂ©travail, sera impitoyablement taxĂ©e d’égoĂŻste par son entourage. BardĂ©e de courage et dĂ©sintĂ©ressĂ©e, dĂ©pourvue de la peur d’ĂȘtre frappĂ© par la mort, cette componction sera sans aucun doute renouvelĂ©e pour un Ă©vĂ©nement – une canicule pendant les congĂ©s estivaux, par exemple – dont le taux de mortalitĂ© est de 0% pour la jeunesse sĂ©millante. Les applaudissements persisteront pour des tragĂ©dies moins spectaculaires – sans grande messe mĂ©diatique avec dĂ©compte quotidien de victimes – et aux consĂ©quences rĂ©ellement dramatiques – hĂŽpitaux saturĂ©s, personnel soignant dĂ©bordĂ©. Dans un proche avenir, le confinement pourrait rĂ©vĂ©ler au grand jour des dĂ©gĂąts imprĂ©vus foyers esseulĂ©s, privĂ©s de leur gagne-pain, affaiblis, angoissĂ©s et encore plus vulnĂ©rable aux infections, voire affamĂ©s. L’heure de remettre le nez dehors approche pour nos hĂ©ros du confinement. Au nom de la fraternitĂ© avec les victimes du confinement, il faudra bien se sacrifier et retourner au travail. Dans un futur plus lointain, la distanciation sociale pourrait se pĂ©renniser et sonner ainsi le glas pour la sĂ©culaire sensualitĂ© latine. Certaines coutumes comme la bise Ă  la collĂšgue et les poignĂ©es de main au chantier pourraient ĂȘtre relĂ©guĂ©es aux oubliettes. Quant Ă  partager une assiette de charcuterie entre amis ou Ă  trinquer aprĂšs une journĂ©e harassante n’y pensons plus. Mais tout ça pour quoi ? En demandant aux sportifs parisiens de respecter des horaires spĂ©cifiques pour s’aĂ©rer et entretenir leur santĂ© sans pour autant nuire au confinement, Anne Hidalgo met le doigt sur le nƓud gordien du problĂšme il s’agit de respecter le confinement avant sa santĂ© et son Ă©quilibre propre. Revenons Ă  notre scrutateur politique ne pourrait-il pas observer que le confinement finisse par nuire Ă  la santĂ© globale ? Dans un proche avenir, le confinement pourrait rĂ©vĂ©ler au grand jour des dĂ©gĂąts imprĂ©vus foyers esseulĂ©s, privĂ©s de leur gagne-pain, affaiblis, angoissĂ©s et encore plus vulnĂ©rable aux infections, voire affamĂ©s. » Devant des citoyens apeurĂ©s et prĂȘt Ă  collaborer, l’État n’aura plus qu’à cueillir les fruits serviles de la mobilisation citoyenne contre le Covid-19 » pour instaurer sa dĂ©mocratie sanitaire. Tout est prĂȘt pour ne plus bouger de chez soi s’il le faut tĂ©lĂ©travail, Ă©missions prĂ©sentĂ©es depuis le domicile, sport connectĂ©, apĂ©ros virtuels. On ne plonge pas tout de suite une grenouille dans l’eau bouillante. À condition de garder le sourire, tout se passera bien dans l’entreprise connectĂ©e. Se promener sera un jeu d’enfant il suffira, les yeux rivĂ©s sur le tĂ©lĂ©phone intelligent, de respecter au millimĂštre le pĂ©rimĂštre autorisĂ©. L’état sanitaire, le maternage autoritaire, dessinent peut-ĂȘtre les lendemains d’une sociĂ©tĂ© toujours plus propre ». Se mobiliser dans un monde vide est un luxe l’essentiel est d’y croire. en collaboration avec TaĂŻ-Thot Desserts Attention au relĂąchement l’infantilisation de masse comme stratĂ©gie politique » sur la revue Frustration Sur Le Comptoir Coronavirus la maladie du monde malade » Mais aussi Coronavirus Le monde d’aprĂšs ne sera pas dĂ©croissant » Et Ă©galement Rions avec les conseils confinement » du gouvernement » Un sociologue me classerait dans la catĂ©gorie quantitative des grands lecteurs » ce qui ne signifie pas que je lis bien
. D’abord, tout petit, j’ai contemplĂ© les livres de mes parents qui se sont rencontrĂ©s en mai 68 Ă  Toulouse. Pas mal de brĂ»lots des Ă©ditions Maspero et autres du mĂȘme acabit
 Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considĂ©rables. Plus tard, vint la folie des BD de Gotlib Ă  Marvel. Et puis l’adolescence
 pendant cette pĂ©riode, mes hormones me forcĂšrent Ă  oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualitĂ©, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littĂ©raire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lĂącher. De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothĂšque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littĂ©raire classique, mais je savais expliquer les thĂ©ories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui Ă©taient les Tupamaros ». J’étais en Seconde quand le premier dĂ©clic survint la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment d’avoir goĂ»tĂ© Ă  la puissance onirique de la littĂ©rature. Et le dĂ©sir d’y retoucher ne m’a jamais quittĂ©. Puis je fus reçu dans une hypokhĂągne de province. La principale tĂąche Ă©tait de lire, Ă  foison. Et depuis lors, je n’ai plus vĂ©cu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallĂšle" qui s’offre Ă  moi. Lire, c’est la libertĂ©. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui Ă  tout moment peut vous dĂ©livrer d’un prĂ©jugĂ©. Mais aussi et peut-ĂȘtre surtout l’impression dĂ©licieuse de se libĂ©rer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du mĂȘme ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’ĂȘtre la petite souris qu’on rĂȘve
 Adolescent, j’ai souvent songĂ© que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissĂ©e au port
 Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des Ă©checs , des renoncements et des oublis, des frontiĂšres matĂ©rielles ou sociales, et mĂȘme de la Morale. Je n’emprunte pas. J’achĂšte et conserve les livres, mĂȘme ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothĂšque personnelle, c’est une autre mĂ©moire que celle stockĂ©e dans mon cerveau. Comme la mĂ©moire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines Ă  parcourir. Mais on peut Ă  tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup fĂ©rir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient. Lire est Ă  l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme une dĂ©pense inutile Ă  court terme, sans portĂ©e mesurable, mais dĂ©cisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volĂ© Ă  l’agenda Ă©conomique et social qui structure nos vies. Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour Ă©clairer la ville. Toute la collectivitĂ© en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisĂ©s, plus au fait de ce qui a Ă©tĂ© dit, expĂ©rimentĂ©, par les gĂ©nĂ©rations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liĂ©e avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi Ă  l’avenir. J’ai Ă©tĂ© saisi par l'envie de parler de ces vies parallĂšles. De partager quelques impressions de lecture, de suggĂ©rer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inĂ©puisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide. Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vĂŽtres. JĂ©rĂŽme Bonnemaison, Toulouse. AprĂšs Le Chien de Dieu, biographie de l’écrivain CĂ©line, et Nez-de-Cuir, cĂ©lĂšbre roman de Jean de La Varende, Jean Dufaux et Jacques Terpant adaptent un chef d’Ɠuvre de Giono. 1843, en plein hiver. L’énigmatique capitaine de gendarmerie Langlois, taciturne et secret, se rend Ă  Lalley, petit village isolĂ© du Vercors IsĂšre, dans les massifs alpins. Il a pour mission d’élucider des disparitions inquiĂ©tantes, sans laisser de traces, comme si un mystĂ©rieux tueur y sĂ©vissait. Langlois identifie le meurtrier et l’abat froidement, sans procĂšs. Une annĂ©e passe. AprĂšs avoir dĂ©missionnĂ© de la gendarmerie, Langlois revient dans la vallĂ©e. Son mutisme intrigue les villageois. Il est devenu commandant de louveterie », chargĂ© ainsi d’éliminer les loups dangereux. La chasse au loup qu’il organise rappelle sa prĂ©cĂ©dente traque. Il Ă©limine le loup de deux coups de pistolet, comme pour le meurtrier. Puis il s’installe au village et se marie. Mais malgrĂ© toutes ses tentatives pour se divertir, il ne trouve pas la paix intĂ©rieure. Sans doute effrayĂ© de sa fascination Ă  la vue du sang d’une oie rĂ©pandu sur la neige, il se suicide en fumant un bĂąton de dynamite
 Jean Dufaux, scĂ©nariste prolifique Giacomo C., Murena
 et Jacques Terpant rendent hommage Ă  Jean Giono. Ils avaient prĂ©cĂ©demment adaptĂ© en bande dessinĂ©e Nez de Cuir 2017 de La Varende et rĂ©alisĂ© Le Chien de Dieu 2019, biographie de CĂ©line. TrĂšs habilement, Jean Dufaux ne reprend pas le schĂ©ma narratif du roman Un roi sans divertissement, caractĂ©risĂ© par la multiplicitĂ© des narrateurs. Ce procĂ©dĂ© restituait la tradition orale et diversifiait les points de vue sur le mystĂ©rieux Langlois. Jean Dufaux rĂ©unit les diffĂ©rents narrateurs en un seul personnage, Giono en personne, sans doute par souci de simplification. Mais cette bande dessinĂ©e sera encore plus apprĂ©ciĂ©e par ceux qui ont lu le roman. Le titre du roman est inspirĂ© par le propos du philosophe moraliste Blaise Pascal 1623-1662 Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres ». Pour Pascal, le divertissement est ce qui, en l’absence de foi en Dieu, rend la vie supportable, pour oublier notre condition de mortel. Mais le paĂŻen Giono en tire une vision dĂ©sespĂ©rĂ©e. L’absence de raison de vivre est insupportable. Giono veut montrer que l’homme, pour sortir de son ennui existentiel par le divertissement, peut aller jusqu’à la fascination du Mal. Dans le silence blanc de l’hiver montagnard, cet ennui peut mĂȘme conduire au meurtre ou au suicide. Pour Jacques Terpant, adapter Un roi sans divertissement est une nouvelle aventure. FascinĂ© par la nature et ses beautĂ©s, Giono a dans ce roman dĂ©crit les lieux qui lui Ă©taient chers. Comme d’habitude, les dessins de Jacques Terpant sont somptueux. Raffinement et Ă©lĂ©gance rĂ©sument son style. Connu pour ses adaptations de romans de Jean Raspail Sept cavaliers, Les Royaumes de BorĂ©e, il a poursuivi dans cette voie par une sĂ©rie plus personnelle, Capitaine Perdu, avec pour hĂ©ros un Pikkendorf, comme dans l’Ɠuvre du romancier. Par la suite, il consacre une bande dessinĂ©e Ă  Louis-Ferdinand CĂ©line, intitulĂ©e Le chien de Dieu. Pour adapter Nez-de-Cuir, roman de Jean de La Varende, Terpant change de nouveau de style dans le but de mieux respecter l’atmosphĂšre du roman. Dans cette adaptation de Giono, Terpant montre une nouvelle fois son grand talent. Par un trait prĂ©cis, il dessine les magnifiques paysages de cette rĂ©gion du TriĂšves. Sa couleur directe magnifie les dĂ©cors immaculĂ©s des montagnes enneigĂ©es. Il reproduit les monuments et l’architecture des maisons authentiques de Lalley. Il parvient ainsi Ă  illustrer les riches descriptions chĂšres Ă  Giono. Les personnages sont soignĂ©s, Jacques Terpant s’amusant Ă  doter l’assassin de ses propres traits ! Il rĂ©ussit mĂȘme Ă  recrĂ©er l’ambiance tragique si particuliĂšre de ce rĂ©cit. Pour comprendre cette ambiance, il faut rappeler le parcours de Jean Giono 1895-1970. La plupart de ses ouvrages ont pour cadre le monde paysan provençal. Le paganisme de Giono, passionnĂ© par la GrĂšce antique, apparaĂźt dĂšs ses premiers romans, Ă©crits Ă  la fin des annĂ©es 1920. Il y dĂ©voile sa vision de la condition de l’homme en prise aux questions morales et mĂ©taphysiques. Mais fin aoĂ»t 1944, Giono est arrĂȘtĂ© Ă  la demande du communiste Raymond Aubrac, commissaire de la RĂ©publique dans le Sud-Est, qui lui reproche sa proximitĂ© avec la collaboration. Certes, Giono a publiĂ© Deux cavaliers de l’orage dans La Gerbe. Mais Giono, dĂ©jĂ  arrĂȘtĂ© en septembre 1939, cette fois-ci en raison de son pacifisme, a cachĂ© pendant la guerre des rĂ©fractaires et des Juifs. Giono a Ă©tĂ© victime de l’hostilitĂ© des communistes. Davantage que les convergences supposĂ©es entre sa cĂ©lĂ©bration poĂ©tique de la nature et l’idĂ©ologie pĂ©tainiste du retour Ă  la terre, ils ne lui pardonnent pas d’avoir pris ses distances avec eux et d’avoir dĂ©noncĂ© le stalinisme. C’est ainsi un Giono blessĂ© moralement qui rĂ©dige Un roi sans divertissement. L’ouvrage, Ă©crit Ă  l’automne 1946, n’a Ă©tĂ© publiĂ© qu’en 1947, Ă  cause du ComitĂ© national des Ă©crivains, issu de la RĂ©sistance. Certains de ses romans sont devenus des grands classiques de la littĂ©rature française Regain, Le Hussard sur le toit, Un roi sans divertissement, Les Âmes fortes
. Kristol SĂ©hec Un Roi sans divertissement, 64 p., 17 euros, Editions Futuropolis. Illustrations DR [cc] 2021, dĂ©pĂȘches libres de copie et de diffusion sous rĂ©serve de mention et de lien vers la source d’origine

un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres